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« Une île pour elle », d’Anne-Solange Muis, Phébus, 192 p., 19,50 €, numérique 14 €.
Au début des années 2000, Louise, une étudiante en géographie, décide d’aller passer l’été seule sur une île au large de Concarneau (Finistère). La jeune femme y voit autant le moyen de rédiger le mémoire de maîtrise qu’elle consacre à ce « territoire insulaire jusqu’alors inexploré » que l’occasion de se confronter à la solitude pour y faire l’expérience de ce qu’elle imagine être la liberté.
Le premier roman d’Anne-Solange Muis, Une île pour elle, met en forme avec bonheur cette aventure initiatique. Cherchant à nommer ce qu’elle a appris au contact de la colonie d’hirondelles de mer dont elle était chargée d’assurer la protection, des quelques touristes accostant l’île certains jours, et de l’enseignant qui lui téléphonait tous les jours pour l’encadrer, Louise revisite cette période de sa vie, sans pesanteur mais avec le recul que lui permettent les vingt années qui se sont depuis écoulées.
Docteure en géographie, Anne-Solange Muis partage son temps, nous apprend la présentation de l’éditeur, entre Paris où elle vit et des expéditions lointaines. Il n’y a donc sans doute rien d’étonnant à ce que ce roman aborde avec acuité les tiraillements et les tourments de ceux qui aspirent constamment à prendre le large, rêvant d’une vie de découvertes et de liberté, mais connaissent trop bien le prix à payer. Si la solitude paraît désirable, découvre Louise, et quand bien même les risques encourus sont minimes lorsque l’on veille sur vous à distance, le choix de l’aventure et de l’isolement implique en retour de ne pas être là pour ceux qui vous sont chers s’ils ont besoin de vous.
Isolée volontaire sur un îlot dont on fait le tour en trente minutes à pied, sans « aucun moyen matériel de [le] quitter » si on ne vient pas la chercher, pas même « une barque », tributaire des appels que le vieux téléphone fixe de sa cabane de fortune peut recevoir mais pas donner, l’étudiante candide et insouciante trouve d’abord en ce lieu ce qu’elle était venue y chercher : une communion et, parfois, une confrontation avec la nature sauvage. Façon d’éprouver, pense-t-elle, sa vaillance, puisque l’île se révèle à l’image de « cette mer dure, entière, sans compassion. Comme l’océan, [elle est] aliénante, mystérieuse et fascinante, sans pitié ».
Le courage, comprend-elle peu à peu, n’est pas tant physique que mental. « Pourquoi [les explorateurs] ne parlaient-ils jamais de l’endurance psychologique qu’ils devaient supporter lors de l’épreuve », et de ce qui les amène « à continuer quand tout s’arrête autour d’eux ? » De l’aventure rêvée à l’aventure vécue, il y a un gouffre que la littérature formule admirablement. C’est peut-être la vraie découverte de l’exploratrice.
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